by Elena Vogman
preface by Georges Didi-Huberman
translated by Thomas Vercruysse
Diaphanes, 2020
Paper: 978-2-88928-054-4 | eISBN: 978-2-88928-063-6

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Le Capital de Sergueï Eisenstein (1927-1928) est un fantôme à plus d’un titre: bien que le film n’ait jamais été réalisé, il a néanmoins hanté l'imagination de nombreux cinéastes, historiens et écrivains jusqu’à aujourd’hui et même récemment avec les Nouvelles de l’Antiquité idéologique : Marx – Eisenstein – Le Capital d’Alexander Kluge. De plus, sa première matérialisation publique – un fragment d’une dizaine de pages issu des carnets du réalisateur – était marquée par ce qui demeurait absent : les images et le matériau de travail d’Eisenstein.


La Danse des valeurs ambitionne d’invoquer à nouveaux frais le fantôme du Capital mais en se fondant cette fois-ci sur l’ensemble de son corps d’archives. Cette « instruction visuelle à la méthode dialectique », selon les mots-mêmes d’Eisenstein, comprend plus de 500 pages de notes, de dessins, de coupures de presse, de diagrammes d’expression, de plans d’articles, de négatifs d’Octobre, de réflexions théoriques et de longues citations. La Danse des valeurs explore la nécessité formelle qui sous-tend les choix d’Eisenstein dans le Capital. Sa lecture fait valoir que sa complexité visuelle ainsi que son efficacité épistémique résident précisément dans l’état de son matériau : une danse de thèmes hétérogènes et de fragments disparates, un flux non-linéaire, provisoire et inarticulé.


Les séquences visuelles d’archives, publiées ici pour la première fois en France, ne sont pas bâties à titre de simples illustrations, mais en tant qu’arguments à part entière, donnant à voir ce qui se joue pour Eisenstein dans le Capital : une théorisation visuelle de la valeur. Une lecture des archives d’Eisenstein, dans leur logique interne, permet non seulement de reconstituer des éléments morphologiques présents dans le concept de valeur chez Marx, mais également de théoriser une crise plus fondamentale de la représentation politique, un présent qui s’étend de son contexte contemporain jusqu’à nos jours. Mettant en œuvre un procédé morphologique sans équivoque, les séquences de montage d’Eisenstein produisent une sorte de plus-value qui leur est propre, un excès sémiotique qui brasse les matériaux et présente les corps dans une danse analogue à la « danse » des « conditions pétrifiées » de Marx. C’est dans ce langage polymorphe et « diffus » – associé au stream of consciousness de l’Ulysse de Joyce – qu’Eisenstein perçoit le potentiel critique et affectif d’un cinéma à venir.


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